2.4.1 - Expérience : Calanques marseillaises

 

CALANQUES MARSEILLAISES


De la Côte Bleue à La Ciotat : AMP et autres initiatives composent avec les enjeux politiques

De par le cadre géopolitique local, la nature de la structure porteuse (associant Etat, collectivités locales, et société civile) et l’importance des enjeux économiques et sociaux, la création du Parc national des Calanques, effective au terme d’un processus d’études, de gestion et de concertation long, dense et souvent difficile, s’est inscrite dans un contexte où le poids des enjeux politiques s’est avéré majeur.

Le périmètre pris en considération en 2009 pour le coeur marin du futur PN est déjà le fruit d’un long processus de maturation, qui va se poursuivre. A l’origine du projet, le périmètre envisagé était quasi exclusivement terrestre. Sous l’impulsion de l’Etat, c’est au titre des considérations écologiques et patrimoniales qu’il a d’abord paru pertinent d’élargir le périmètre à la partie marine. La prise en compte des fonctionnalités écologiques, des statuts de protection ou de gestion existants (présence du Parc marin de la Côte Bleue, Natura 2000 en mer, plan de gestion de l’Ile Verte et du Mugel, etc.) et des usages, aboutit à un premier périmètre très large, allant de la baie de La Ciotat à l’Est à la Côte Bleue à l’Ouest, non seulement en mer mais aussi à terre.

C’est justement l’éventualité de l’intégration de ces espaces et la volonté des élus locaux qui va directement influer sur l’évolution, à la baisse, du contour marin du futur PN. Ainsi, au regard du cadre juridique, l’inclusion de la Côte Bleue aurait entraîné la dissolution du Syndicat mixte du Parc marin de la Côte bleue (PMCB) et le transfert de sa compétence de gestion au futur PN (les deux outils ne pouvant coexister). Cela signifiait l’effacement du nom, du rôle et de la légitimité acquise par la structure. Les élus locaux (et sans doute une bonne partie des populations concernées) voyaient, en outre, une perte d’autonomie de décision dans la perspective de cette évolution. Suite à une réflexion approfondie pendant plus de deux ans sur les différentes hypothèses et implications de l’extension du PN, les conseils municipaux concernés ont délibéré à l’unanimité contre l’intégration de la Côte Bleue dans le périmètre du PN, y compris en aire maritime adjacente. De la même façon, à l’ouest du massif des Calanques, la non appropriation du projet de PN par le politique a amené à réduire le périmètre terrestre et marin, en excluant la quasi-totalité de la baie de La Ciotat (Natura 2000 en mer et espaces situés au droit du Conservatoire du littoral). Au demeurant, si la logique écologique marine a souvent dû céder le pas aux considérations politiques et sociales, la nécessité d’une collaboration

scientifique et technique avec le PN a été clairement exprimée par le PMCB. De fait, depuis de nombreuses années, le PMCB collaborait déjà avec le GIP des Calanques au travers d’opérations ponctuelles (encadrement scientifique des recensements de mérous et grandes nacres, comptages harmonisés de la fréquentation de plaisance à l’échelle de la rade de Marseille en coordination avec la ville de Marseille). Sur demande du PN récemment créé, le PMCB, fort de son expérience à la fois de gestionnaire et scientifique, lui apporte régulièrement des conseils très précieux dans la phase délicate de mise en place (protocoles de suivi des peuplements d’oursins comestibles, spécifications du balisage des zones de non prélèvement, etc.). Au-delà, les deux structures auront sans doute à évaluer et analyser l’impact du PN sur le PMCB en termes de reports de fréquentation.

Ainsi, cette expérience démontre que la création d’une AMP (a fortiori si elle inclut des espaces côtiers) ne peut s’affranchir des enjeux politiques, économiques et sociaux qui ont un poids déterminant dans les décisions prises par l’Etat et ce parfois au détriment des enjeux écologiques. Toutefois, il serait réducteur de n’avoir qu’une perception négative de cette réalité de terrain. Elle traduit aussi la nécessaire prise en compte de l’histoire du site, des structures de gestion existantes et de l’acceptabilité des projets par les acteurs et habitants du territoire. En effet, un projet non accepté par l’ensemble des acteurs, a d’autant moins de chance d’être efficace, et il ressort finalement ici que chaque gestionnaire a pu garder sa légitimité, la solution trouvée leur permettant de travailler ensemble pour protéger la rade marseillaise.

Interview croisée de Frédéric Bachet, directeur du Parc marin de la Côte Bleue, de Benjamin Durand, directeur adjoint du Parc national des Calanques et d’Emilia Medioni, chef de projets du service Mer et littoral de la ville de Marseille.